http://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/2009-03-10/exclusif-quand-le-dalai-lama-se-confie-au-point/989/0/318823
Le Point : Qu’avez-vous pensé des attentats de Bombay du 26 novembre ?
Le dalaï-lama : Quelle horreur ! Le terrorisme frappe de plus en plus l’Inde et ces gens-là ont réussi à prendre Bombay en otage pendant trois jours. Du point de vue tibétain, le terrorisme est un péché, non seulement contre ceux que l’on assassine, mais contre soi-même, lorsqu’il s’agit de terrorisme suicide, comme cela a été le cas à Bombay...
Justement, sous l’angle bouddhique, quel karma se créent ces terroristes ?
Nous, les Tibétains, croyons en un karma noir que des individus ou des peuples se créent à eux-mêmes, et qui leur revient un peu plus tard, ou au cours d’autres vies [il marque un silence]... mais, pour ces terroristes, je ne veux pas [il insiste sur « veux pas »] répondre à cette question [autre silence]... La violence engendre la violence... Mais tous mes amis musulmans me disent que le vrai djihad, c’est contre soi-même, que le Coran ne prêche pas la violence et qu’à partir du moment où on pratique la violence, on n’est plus musulman. Alors, je ne sais pas [il marque une pause]... Tout de même, ces terroristes recherchent la publicité-et à Bombay ils en ont bénéficié au maximum grâce aux télévisions. Montrer ces images qui médiatisent la terreur constitue une sorte de violence passive, qui elle aussi engendre son karma.
Comment combattre le terrorisme ?
Du point de vue bouddhiste, si votre motif est sincère, si vous êtes plein de compassion, alors la violence est permise pour se défendre, ou pour combattre une autre violence qui cherche à faire le mal. Les dieux grimaçants de nos temples tibétains sont d’ailleurs les incarnations de cette violence pétrie de compassion et de sagesse. En fait, il existe deux sortes de violence : une première qui est mentale ; et la seconde, physique, qui se manifeste dans l’action. Généralement, on ne parle que de celle-ci et on oublie celle-là, qui est le moteur premier de la violence. Mais si vous avez un mental plein de compassion et d’amour pour le prochain, même vos mots durs et vos actions violentes seront pleins d’amour. Cela dit, une fois que vous avez commis quelque violence, même si au départ votre motif est juste, on ne peut jamais prédire quels effets cette violence va avoir sur vous car, comme je l’ai déjà dit, la violence engendre la violence.